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Des lieux pour penser : musées, bibliothèques, théâtres…

du 20 juin 2018 au 22 juin 2018

Colloque international
Dates : du 20 juin 2018 au 22 juin 2018
Lieux : Sorbonne nouvelle, Bibliothèque (BPI ou BNF)

Colloque international

Peut-on, comme d’autres ont défini des lieux de mémoire, ou des lieux de savoirs (Nora, 1984-87, Jacob, 2007-2011), envisager certains lieux aujourd’hui comme des espaces (publics) plus propices que d’autres à la pratique de la pensée, comme des lieux de pensée ? Dans quelle mesure, comment, et à quelles fins, des lieux – le musée, le théâtre, la bibliothèque, la liste restant ouverte – peuvent-ils impulser, élaborer ou modeler de la pensée ? Quels sont les dispositifs (institutionnels, architecturaux, scénographiques) que mobilise et construit une telle volonté des pratiques professionnelles et artistiques de s’inscrire dans des enjeux de pensée ? Quels sont les enjeux, les bornes, les moyens, les effets de ces dispositifs ?

La manière de présenter les objets (Newhouse, 2005), de même que la notion de dispositif (Mairesse et Hurley, 2012), dans les musées, révèlent l’importance accordée à l’agencement de l’espace au sein du musée (Davallon, 1992, Duncan & Wallach, 1978 et 1980). On peut dès lors envisager la mise en exposition comme un dispositif de dramatisation, autour d’objets conçus comme des pôles d’« attraction » de la pensée (Mouton-Rezzouk, 2016). Certains musées, comme le musée d’Ethnographie de Neuchâtel, se sont ainsi fait les champions des expositions visant à déconcerter puis forcer le visiteur à penser la place et les relations entre objets et les dispositifs qui lui sont présentés (Gonseth, Hainard et Khaer, 2005). De la même manière, nombre de projets artistiques visant le détournement ou l’installation dans les musées, visent à mettre en valeur une réflexion spécifique à partir de ces lieux (Putnam, 2001). Un premier travail de recensement de ces lieux a été largement opéré sur les expositions temporaires envisagées à partir de l’histoire de l’art (Altshuler, 2008, 2013).

Le « pouvoir des bibliothèques » (Baratin et Jacob, 1996) s’est tout aussi largement constitué à partir de ses espaces intérieurs, ce dont témoigne la diversité de son architecture, mais aussi la régularité de ses espaces reflétant les classements généraux (Dewey ou Otlet) ou ceux développés par quelques esprits particuliers, comme Warburg (Baratin et Jacob, 1996, Michaud, 1998). Si l’architecture des bibliothèques, comme celle des théâtres ou des musées, est étudiée depuis longtemps (Pevsner, 1976), le besoin d’une analyse de l’espace intérieur, interrogé ou photographié (Dawson 2014), apparaît forcément comme fondamental pour comprendre la manière dont fonctionne cette « pensée distribuée » (Latour, 2007), à un moment où la question du « commun des savoirs » vient relayer celle du « tiers lieu » (Dujol, 2017, Failla, 2017). On peut également s’intéresser aux enjeux et aux moyens de la médiatisation des contenus, et voir, par exemple, dans la mise en place d’une proposition culturelle renforcée (expositions, performances, rencontres, etc.) un processus de « dramatisation » ou de « scénarisation » destiné à élaborer de nouveaux modes d’appréhension des savoirs et à penser autrement l’accès au livre, et plus largement aux contenus documentaires et culturels qui sont à l’œuvre dans les collections des bibliothèques.

Dans le prolongement des analyses du théâtre comme fait social (Duvignaud, 1965), plusieurs publications, ces dernières années, se sont intéressées au lieu théâtral (Biet & Triau, 2006, Barbéris & Poirson, 2013, Urrutiaguer, 2014) et ont également cherché à mettre en évidence et à analyser la capacité heuristique et critique du théâtre (Suutela et alii, 2012) ; si c’est essentiellement, d’ailleurs, en termes politiques que cette pensée du théâtre (ou depuis le théâtre) est revendiquée et décrite (Hamidi-Kim, 2013, Neveux, 2013, Plana, 2014), elle l’est également, depuis peu, du côté de la philosophie, tant du fait des théoriciens (Badiou, 2014, Guénoun et alii, 2010, Lacoue-Labarthe & Nancy, 2013, Rancière, 2008) que des artistes et des institutions (Emmanuel Alloa au Théâtre de Gennevilliers, Alain Badiou et Marie-José Malis à Aubervilliers, Philippe Quesne au Théâtre des Amandiers de Nanterre et Bérangère Vantusso au Studio-Théâtre de Vitry). La pensée ne se réduit toutefois pas au politique et au philosophique, et peut être envisagée pour elle-même, quand elle est « savoir du théâtre » (Aït-Touati, 2017) ou « pensée-théâtre » (Garcin-Marrou, 2017).

Il semble aujourd’hui pertinent de comparer ces perspectives dans un cadre commun et d’envisager plus généralement le rapport de la pensée au lieu, à un moment ou s’affirme donc une redéfinition convergente des musées, théâtres et bibliothèques comme lieux publics dévolus à une pratique active et partagée (sinon nécessairement collective) de pensée. À l’ère des flux, à l’heure où la pensée se « liquidifie » (selon la formule de Bauman) ou se « gazéifie » (selon Michaud), peut-on croire encore à la matérialité des lieux comme cadres et bâtis nécessaires à la pensée ? Et, réciproquement, lorsque des lieux, aujourd’hui, se présentent comme des espaces ouverts à l’émergence et au déploiement de la pensée, qu’est-ce que cela (« la pensée ») signifie ? Qu’est-ce qui fait la matière (l’objet, les contenus, la forme, la dynamique) de cette pensée in situ ? Est-elle spécifique au lieu, ou non ? Comment la décrire, comment la caractériser ? A quels moments, et de qui, émerge-t-elle ? Est-elle partageable, partagée, collective ? Dans quelle mesure n’est-elle qu’un autre nom pour du didactisme, voire de la propagande ? Comment cette pensée se manifeste-t-elle, le cas échéant ? Et surtout, comment peut-elle être conditionnée, intentionnellement ou de facto, par le lieu ? Quels pourraient en être les modèles (structure, architecture) qui sous-tendent les représentations que s’en font les différents acteurs du lieu (professionnels, usagers) ?

Organisation
François Mairesse - CERLIS
Aurélie Mouton-Rezzouk - IRET
Flore Garcin Marrou - CREATIS

Informations pratiques

du 20 juin 2018 au 22 juin 2018
Sorbonne nouvelle, Bibliothèque (BPI ou BNF)

Pour en savoir plus

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