CAIRN.INFO : Chercher, repérer, avancer.

1L’intérêt des chercheurs en sciences sociales [1][1]Je remercie Michel Rautenberg ainsi que les deux experts… pour les pratiques des amateurs (ici entendus comme non-professionnels), quoiqu’assez récent, n’est plus à démontrer (parmi les premiers : Stebbins, 1992 ; Hennion, 1993 ; Bromberger, 1998). Depuis une dizaine d’années, ces chercheurs s’intéressent à l’usage que font les non-professionnels des technologies numériques dans leurs activités de construction et de diffusion des connaissances. Ils accordent une importance particulière à Internet (Flichy, 2010) et à trois possibilités principales qu’offre cette technologie. Elle permet tout d’abord aux non-professionnels (et aux professionnels) d’accroître leurs connaissances, et de devenir « e-rudit » en apprenant et en se formant à des méthodes de recherche. Par exemple, une fiche de WikiHow décrit comment devenir érudit en littérature en 19 étapes [2][2]http://fr.wikihow.com/devenir-%C3%A9rudit (consulté le 19…. Internet permet ensuite de faire circuler des connaissances et savoir-faire entre professionnels et non-professionnels (Aspe, 2009 ; Boure et Lefebvre, 2015) : journalistes, médecins, experts en art ou en musique, scientifiques… publient d’une part sur leurs blogs ou sites personnels, et voient d’autre part leurs dires et écrits appropriés, complétés ou concurrencés par des non-professionnels qui créent des blogs ou des sites, ou participent à des forums ou des groupes de discussion (Roquais-Bielak, 2004). Internet permet enfin aux non-professionnels de collaborer pour produire des connaissances, mobilisées ensuite ou non par des professionnels, comme dans le cadre des sciences citoyennes (Chupin, 2014 ; Watson et Floridi, 2016) et des dispositifs de contenu généré par les utilisateurs, à l’instar du Volunteered Geographic Information (Goodchild, 2007).

2C’est à cette dernière forme de présence des non-professionnels sur Internet que je m’intéresse dans cet article, et plus particulièrement à leur participation à des dispositifs participatifs relatifs au patrimoine culturel. Selon Nathalie Casemajor Lousteau (2012), ces dispositifs visent à passer de la démocratisation culturelle, à savoir l’élargissement des publics qui accèdent à des biens culturels, à la démocratie culturelle permettant à chaque citoyen de construire un lien plus personnalisé avec les objets culturels. Cette démocratie fait partie des trois critères avancés par Patrice Flichy (2010) pour expliquer « le sacre de l’amateur à l’ère numérique », à côté de l’individualisme, qui consiste pour les individus à agir pour leur plaisir, et de la diffusion des savoirs et compétences, notamment par l’auto-apprentissage. Cette démocratie liée aux technologies numériques permet dès lors aux non-professionnels de publiciser leurs connaissances et d’entrer en dialogue avec des professionnels. Selon Patrice Flichy (2010, p. 91), « l’amateur n’est donc ni un intrus ni un succédané de l’expert ; il est l’acteur grâce auquel notre société devient plus démocratique et respectueuse de chacun ».

3Cette ouverture démocratique des connaissances aux citoyens et à leurs compétences a fait l’objet de nombreuses études, notamment dans le domaine des sciences citoyennes, particulièrement développées pour les sciences dites naturelles. Alan Irwin (1995), à qui est attribuée l’origine du terme, la définit comme une science développée par les citoyens et qui répond à leurs besoins et problèmes. Cette définition idéale n’est pourtant que peu fréquemment réalisée : généralement initiés par des professionnels, les projets impliquent rarement les citoyens à toutes les étapes, et ces derniers (leur nom et leur travail) disparaissent le plus souvent dans le rapport final (Micoud et Dupré, 2007). Ainsi, le citoyen impliqué dans ces projets s’inscrit généralement dans un des trois modèles suivants. Tout d’abord, le contributeur, à savoir le citoyen qui collecte des données de terrain pour les professionnels. Il s’agit, par exemple, des herbonautes étudiés par Lisa Chupin (2016). Il y a ensuite le collaborateur, à savoir le citoyen qui collecte des données, discute des méthodes et analyse les données avec les professionnels. Elsa Faugère (2012) en a rendu compte dans son étude des échanges de coquillages. Enfin, le co-créateur est le citoyen qui définit et met en place un projet de recherche avec les professionnels, à l’instar de certains projets de la plateforme Zooniverse. Dans les trois cas, les compétences du citoyen sont prises en compte par les professionnels et participent à une accumulation des connaissances que professionnels et non-professionnels peuvent ensuite mobiliser.

4Les technologies numériques ont joué un rôle important dans le déploiement et le succès actuel des sciences citoyennes, grâce à l’organisation en réseau de la production de connaissances, aux outils fédérateurs et conviviaux qu’elles proposent, à la production de connaissances par le plus grand nombre, ou encore aux possibilités d’agrégation des connaissances sur les plateformes collaboratives. Mais certains chercheurs soulignent qu’elles ne font que renouveler, et non changer radicalement, des pratiques préexistantes de participation de non-professionnels aux sciences naturelles et plus généralement aux sciences systématiques (Heaton et al., 2011). Ces dernières, basées sur le dénombrement, le classement, la documentation et l’accumulation de connaissances en vue de constituer des collections et des catalogues d’objets, présentent en effet l’avantage d’un accès facile au travail de terrain (observation, dénombrement, etc.) et ne nécessitent que peu d’expertise préalable. Ces pratiques de participation et le programme des sciences systématiques se retrouvent également dans le domaine du patrimoine culturel. Ainsi, des érudits et antiquaires provinciaux étaient invités à participer en tant que correspondants à l’effort d’inventaire des monuments historiques porté par François Guizot au début du XIXe siècle (Parsis-Barubé, 2011). Invités à participer sur la base de leur connaissance de la région, des consignes élaborées par des professionnels orientaient leurs pratiques d’observation, de classement et de documentation des monuments historiques afin de rendre leur travail utilisable par les institutions parisiennes. Plus récemment, les technologies numériques ont également permis de renouveler et d’intensifier la participation des non-professionnels à l’entreprise patrimoniale, comme en témoignent les projets de crowdsoursing, comme l’indexation collaborative développée par certaines archives municipales et départementales en France (Bouyé, 2012).

5Un second point commun avec les sciences citoyennes est l’utilisation, depuis quelques années, du terme « citoyen » [3][3]Je n’entre pas ici dans le débat relatif à la pertinence du… : le « patrimoine citoyen » désigne des processus communautaires, collaboratifs et participatifs de production et de consommation du patrimoine. Il est question de collecter et de valoriser différents savoirs, souvenirs, expériences, relatifs à un patrimoine commun, et d’impliquer les citoyens dans les phases de collecte, de mise en forme ou de valorisation de ce patrimoine, l’idéal étant de les faire participer à ces trois étapes, voire qu’ils initient une ou plusieurs de ces étapes. Le patrimoine citoyen réfère donc d’une part au partage et à la valorisation par les citoyens de ce qu’ils définissent comme leur patrimoine (Lewi et al., 2016), et d’autre part à la participation des citoyens dans les projets patrimoniaux mis en place par des institutions comme les musées, archives, bibliothèques, etc. (MacMillan, 2010). Le patrimoine citoyen peut donc prendre des formes variables : accorder de l’importance aux communautés et individus comme dans la définition du Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO ; prendre pour thématique des Journées européennes du patrimoine de 2016 « Patrimoine et citoyenneté » afin de mettre en valeur les lieux où s’était construite et où se construit toujours la citoyenneté ; lancer un prix « Citoyens du patrimoine » pour récompenser des initiatives patrimoniales émanant de la société civile [4][4]Terme également discutable qui comprend ici les entreprises,… comme à Lyon en mars 2017.

6Au vu du succès que rencontre actuellement cette notion, il est utile de s’interroger sur le rôle que jouent les technologies numériques dans l’émergence du patrimoine citoyen. Quelles sont la place et la visibilité des non-professionnels au sein de dispositifs participatifs numériques relatifs au patrimoine ? Quelle y est leur production de connaissances ? De quelle manière rencontrent-elles celle des professionnels ? Quelle idée du « citoyen patrimonial » y est promue ? Afin de répondre à ces questions, je présente premièrement et brièvement des dispositifs collaboratifs numériques relatifs au patrimoine. Je m’attache ensuite à décrire et analyser un groupe public Facebook dédié au patrimoine culturel matériel de Laon, ville qui a constitué mon terrain d’enquête principal dans le cadre d’une recherche collective, ERUDIPIC [5][5]ERUDIPIC est un projet financé par la région Picardie de 2013 à…. Ce cas d’étude me permet de conclure sur les possibilités et limites de ce dispositif collaboratif. Comme les sciences citoyennes, il permet de faire entendre et de rendre visibles les voix et discours des non-professionnels en accordant une place à d’autres régimes d’engagement avec le patrimoine que celui des institutions. Cependant, à la différence des sciences citoyennes, il ne s’inscrit pas dans une logique cumulative des connaissances, et n’est en conséquence que peu pris en compte par les professionnels du patrimoine. Enfin, il promeut une image du citoyen patrimonial compétent, vigilant, attentif, voire nostalgique, envers les communs construits et présentés au sein du groupe, et non celle d’un citoyen engagé activement dans la gestion de ces communs.

Facebook et patrimoine : le dispositif

7Lors de l’enquête de terrain, les non-professionnels interrogés ont évoqué divers usages d’Internet, une des technologies numériques qu’ils utilisent dans leurs pratiques de connaissance [6][6]Lors de l’enquête de terrain, les interlocuteurs ont évoqué…. Il sert à communiquer (envoyer des e-mails, répondre à des demandes…) ou à rechercher des informations. Ainsi, aller voir sur Wikipédia, des dictionnaires en ligne, des sites Internet… constitue un premier réflexe de bon nombre d’interlocuteurs qui disaient pouvoir avoir des informations sans se déplacer à la bibliothèque ou aux archives, et sans perdre de temps à feuilleter des livres et dictionnaires. Mais la plupart critiquaient également Internet, qui ne remplace en rien une recherche « sérieuse » dans les ouvrages et archives. Internet sert enfin à diffuser des informations en participant à des forums de discussion, en faisant des commentaires sur des sites et blogs, et en ayant une interface numérique (site, blog, forum, page ou groupe Facebook).

8Pourtant, peu d’interlocuteurs ont créé une telle interface, dont la réalisation et la gestion impliquent selon eux des compétences spécifiques et de la disponibilité que bon nombre disaient ne pas avoir. Certains ont pourtant surmonté la question des compétences. Ainsi, un interlocuteur a créé trois sites Internet [7][7]http://artilleur-guerre14-18.jimdo.com/,… : un qui complète un livre qu’il a publié sur la vie de son grand-père durant la Première Guerre mondiale et propose de nombreux documents inédits ; un sur l’histoire de son village d’origine ; et un avec les photos de classe de son ancien lycée. N’étant guère familier de la création de sites Internet, c’est sur le tas qu’il a appris comment créer et référencer ses sites. En plus de cet apprentissage, les interlocuteurs ayant créé un site Internet, ou gérant un blog, mettaient l’accent sur le partage des ressources, des connaissances et les contacts et échanges avec d’autres personnes (passionnés, étudiants, chercheurs, etc.). Leur seule crainte était la disparition de leur site suite à un changement dans la politique d’hébergement, notamment lorsque l’hébergeur est gratuit [8][8]En effet, plusieurs plateformes proposent des sites gratuits,….

9Plus que les sites, blogs et forums, les interlocuteurs disaient utiliser Facebook, un réseau social en ligne qui a attiré l’attention des chercheurs ces dernières années (Miller, 2011 ; Dalsgaard, 2016), notamment ceux intéressés par les liens entre patrimoine culturel et technologies numériques : crowdsourcing (Ridge, 2013), visites virtuelles et objets en 3D (Were, 2015), serious games (Bouko, 2015), applications pour smartphones (Han et al., 2014), groupes Facebook (Gallego, 2015 ; Gregory, 2015), et médias sociaux (Giaccardi, 2012) sont au cœur d’enquêtes et réflexions concernant d’une part la production (construction, présentation…) et la diffusion (valorisation, partage, médiation…) de connaissances relatives au patrimoine, et d’autre part l’implication (participation, engagement, contribution) des publics dans la connaissance, la sauvegarde et la valorisation de ce patrimoine (Affleck et Kvan, 2008). Selon Lewi et al. (2016), les réseaux sociaux constituent un des trois outils technologiques de patrimoine citoyen. Selon ces auteurs, ces outils numériques offrent aux publics des possibilités de devenir coproducteur du patrimoine et favorisent ainsi une réelle rupture dans les pratiques patrimoniales institutionnelles.

10Ces outils sont donc divisés en trois catégories. Il existe tout d’abord des sites et applications dont le contenu et la modération sont gérés par des institutions (musées…). La participation du public y prend la forme de commentaires et d’appréciations. Il s’agit par exemple du blog Eye Level du Smithsonian Art Institute ou de l’initiative steve.museum. La participation y est généralement faible et peu fréquente, les publics ne se montrant pas intéressés par des contenus institutionnels imposés. Le modèle de citoyen promu par ces sites est celui du visiteur, du non-professionnel qui consulte et éventuellement commente. Ensuite, certains sites d’hébergement de contenu, comme Historypin ou PastPort à Melbourne, sont dédiés au patrimoine d’un lieu particulier, et considèrent les citoyens comme des contributeurs. Leur fréquentation et la participation des publics y sont plus importantes, la modération des contenus n’est pas le fait d’une autorité, mais des contributeurs eux-mêmes. Enfin, les citoyens se retrouvent sur les réseaux sociaux, et notamment sur les groupes Facebook, pour discuter librement, à la mode d’un discutant, du patrimoine d’un lieu particulier. Facebook n’étant pas une technologie dédiée au patrimoine, un groupe adopte les conventions de fonctionnement de cette plateforme générique (comme l’auto-organisation) tout en ayant la possibilité d’ajouter des conventions qui lui sont propres (règles de fonctionnement, mode d’adhésion…). Le Patrimoine A“Laon”Tour[9][9]https://www.facebook.com/groups/450791348379290/ (consulté le… est l’un de ces groupes. Y ayant adhéré, j’y ai observé les pratiques et relations, laissé et répondu à des commentaires, dialogué avec les membres… durant un an, du 16 juillet 2015 (date de création du groupe) au 16 juillet 2016. J’ai également rencontré plusieurs de ses membres, au cours d’entretiens, de discussions informelles ou de visites d’un site patrimonial. Au cours de cette enquête, j’ai donc décidé de ne pas séparer « enquête hors ligne » (ou enquête ethnographique classique) et « enquête en ligne » (Pastinelli, 2011 ; Abidin, 2013).

Le groupe Facebook du Patrimoine A“Laon”Tour : le cas d’étude

11Le Patrimoine A“Laon”Tour est un groupe public entièrement dédié au patrimoine de la ville de Laon. La préfecture de l’Aisne possède en effet de nombreuses qualités historiques et patrimoniales. Elle compte près de 80 monuments protégés en tout ou en partie au titre des monuments historiques (à l’instar de la cathédrale), et son centre médiéval constitue un secteur sauvegardé de plus de 300 hectares. Existent également à Laon deux sociétés savantes et vingt-trois associations historiques et patrimoniales. Laon accueille de plus le siège de plusieurs institutions départementales, comme le Service de l’Architecture et du Patrimoine de l’Aisne, les Archives, et le Centre de Conservation du Patrimoine. La ville dispose enfin d’un service municipal d’archéologie.

12Le groupe Facebook n’est pourtant lié à aucune de ces associations ni institutions. C’est « un groupe “amateur”, géré sur du temps libre, pour et par des passionnés » comme précisé dans le descriptif. Il a été créé en juillet 2015 par une habitante de cette ville, assistante maternelle de profession. Née à Laon, elle a ensuite quitté la ville pour des raisons familiales et professionnelles, avant de venir s’y réinstaller en 2007. En plus de ce groupe dédié au patrimoine, elle a également créé un groupe culinaire où elle propose des recettes et, plus récemment (septembre 2016), un blog présentant ses balades dans le département de l’Aisne. Elle fait également partie de nombreux groupes Facebook dédiés aux enseignes, aux campaniles, aux anciennes publicités murales…

13Son acquisition d’un appareil photo numérique [10][10]Prendre des photos est en effet une pratique plus que répandue.… performant est à l’origine de la création du Patrimoine A“Laon”Tour. Cet appareil l’a menée à prendre de nombreuses photos et à accorder un certain regard aux monuments qui l’entouraient. « Parce que parfois, on voit les choses différemment [avec un appareil photo]. Là par exemple, encore dernièrement, j’ai pris en photo l’église de Vaux. Et en regardant la photo, j’ai vu le petit bonhomme sur la corniche. J’ai même remarqué sur la photo que ça devait être la signature d’un tailleur de pierre. Et je ne l’avais pas vu forcément en prenant la photo. Je l’ai vu en regardant sur mon écran. En fait, je vois vraiment les choses après, quand je suis sur mon ordi et que je sors mes photos. » Elle a voulu connaître l’histoire de ces détails architecturaux [11][11]Certains chercheurs ont en effet souligné le rôle de la photo… et a décidé de partager sa passion en créant un groupe Facebook. Elle a choisi ce réseau social pour ses « possibilités de partage. Comme c’est public, on peut facilement trouver le groupe… Je pense que c’est plus facile d’atteindre les gens par Facebook que par un blog. Et puis sur le groupe, on peut faire des recherches. En tapant par exemple dans le moteur de recherche “Église Saint-Martin”, on peut voir ce qui a déjà été publié sur l’église Saint-Martin. »

14Créé en juillet 2015, le groupe connaît un rapide succès et comptait 284 membres le 16 juillet 2016 [12][12]Par comparaison, Laon, qui compte 25 282 habitants, possède un…. Ces membres participent de manière inégale à la vie du groupe. La créatrice invite tout le monde à le faire vivre, car selon elle « chacun peut faire découvrir le patrimoine de la ville !!! ». Mais peu de membres sont réellement actifs. En septembre 2015, elle « regrette quand même qu’il n’y a pas plus de personnes qui publient. […] C’est par moments en fait. Pendant une semaine, je suis presque toute seule à publier. […] Après je me dis, “C’est moi qui ai fait le groupe, c’est un peu normal que je publie”. » Le nombre de membres qui publient a augmenté depuis, mais les membres actifs restent peu nombreux.

15Ce noyau dur des actifs compte une dizaine de personnes qui, quotidiennement ou presque, publient du contenu ou font un commentaire. Ces membres comptent un peu plus d’hommes que de femmes, habitent Laon ou ses alentours, et sont membres de plusieurs associations historiques et patrimoniales de la région. Certains sont des professionnels du patrimoine (directeur des archives départementales, guide conférencier), un est politicien (membre du conseil régional de Picardie), un autre est greeter [13][13]Un greeter est un habitant qui fait bénévolement visiter « son…, et les autres sont retraités. Il est cependant difficile d’avoir plus d’informations sur leur profession, leur âge ou leur lieu de résidence comme bon nombre ne rendent pas ces informations publiques [14][14]Ainsi, certaines informations concernant la profession ou le…. Ainsi, et ceci est valable pour tous les membres du groupe, s’ils publient sur Facebook en leur nom propre, les membres donnent peu d’informations personnelles sur leurs rôles et statuts sociaux, ou sur leur parcours personnel et professionnel.

16Les membres actifs ont également noué des relations qui vont au-delà du groupe Facebook. En septembre 2015, l’administratrice déclarait qu’elle ne connaissait « pas trop les membres en fait ». Depuis, elle a organisé des visites, balades et excursions en les invitant à se joindre à elle, et elle a fait connaissance des membres les plus actifs, avec lesquels elle échange désormais presque quotidiennement. Enfin, ces membres actifs n’hésitent pas à donner une identité au groupe : « Bonne soirée les patrilaonaimant », « Bonne soirée les Laonmoureux », ou encore « Bonsoir les patrimonieux ».

17Plus nombreux sont ceux qui voient les publications. Selon l’administratrice, « il y a maximum 70 personnes [sur les 120 membres en septembre 2015] qui voient les photos. Donc toutes les photos ne touchent pas tout le monde. Donc je me dis qu’il y a peut-être des personnes qui sont inscrites au groupe et qui n’y font jamais attention ou qui y passent une fois de temps en temps. Enfin, qui ne sont pas vraiment investis. » Parmi ces membres, certains, à mon instar, sont actifs par période, principalement après leur adhésion ou concernant les sujets qui les intéressent. D’autres, à savoir la grande majorité, font des commentaires ou réagissent à des publications de temps à autre.

18Plusieurs études (Anthony et al., 2005) ont souligné la forte participation d’un petit nombre de membres, et la relative passivité du plus grand nombre, constat qui se retrouve également formulé dans les associations historiques et patrimoniales. Certains chercheurs (Lave et Wenger, 1991) expliquent ce phénomène en termes de niveaux de compétence : ceux qui ne savent pas laissent faire ceux qui savent. D’autres (Beaudouin et Pasquier, 2014) l’analysent en termes de sociabilité : plus le degré de sociabilité d’un membre est important, plus il participe. Il ne faut cependant pas oublier les objectifs d’adhésion au groupe pour éclairer les degrés de participation : certains veulent simplement garder contact avec une ville qu’ils ont quittée et évoquent des souvenirs ou publient des documents (principalement des photos et cartes postales) en leur possession, d’autres veulent en apprendre plus sur l’histoire et le patrimoine de leur ville et questionnent ou commentent plus qu’ils ne partagent des connaissances, d’autres encore sont de fins connaisseurs et profitent du groupe comme d’un moyen de diffusion de leurs connaissances. Ces diverses motivations ont pour conséquence des formes de publication très variées.

19La forme plus courante de publication est la photographie commentée. Ces photos partagées le sont avant tout pour ceux qui reconnaîtront la ville pour y vivre, y avoir vécu ou y avoir séjourné. Dans leurs commentaires, les membres soulignent la beauté de ce qui est pris en photo et/ou le talent du/de la photographe, précisent la localisation, ajoutent de brèves informations, font part d’affects (joie, nostalgie, colère…). Ainsi, une membre commente une photo du tramway aujourd’hui disparu, qui reliait la ville haute et la ville basse : « J’ai beaucoup emprunté ce tram : collège, lycée, boulot… la nostalgie ! ». La photo permet alors de faire part ou de faire face à la colère et la tristesse de voir la ville se détruire, tomber en ruine, voire « perdre son âme ».

20Les membres publient également le contenu d’autres pages ou groupes (Laon, 2000, Ville de Laon, Esprit de Picardie, J’M L’Aisne, Aisne Nouvelle, etc.) ainsi que des devinettes (trouver un lieu ou un monument à partir d’une photo ou d’un indice), des annonces (concert, exposition, visite), des liens (YouTube), des textes (poème, description), des vidéos faites par un membre du groupe ou encore des messages de courtoisie (salutations, remerciements, souhaits lors d’une fête). Enfin, les articles constituent la forme la plus aboutie de publication. Il s’agit de photos ou de documents numérisés accompagnés d’un texte descriptif synthétisant des informations issues de recherches personnelles. Photo(s), numérisation(s) et texte sont alors mis en forme par le membre du groupe pour être présentés aux autres.

21Une analyse des publications des membres actifs laisse entrevoir qu’ils trouvent sur le groupe Facebook un espace de publication inédit : ils peuvent y publier les résultats d’une recherche sans devoir adopter les formats contraignants de publication écrite, de conférence ou d’exposition demandés par les associations, sociétés historiques et institutions officielles. Ainsi, l’administratrice publie principalement des articles pour rendre compte de ses recherches photographiques et bibliographiques. Un autre publie ses photos commentées, le patrimoine et la photographie étant ses deux passions principales, tandis qu’une autre fait pareil avec les cartes postales de sa collection personnelle. Un autre encore, féru des plans de la ville, élabore ses propres plans qu’il publie au fur et à mesure, notamment lorsqu’une question de localisation est posée. Si Facebook constitue un lieu de publication inédit, il existe cependant certaines règles. La première est que la créatrice et administratrice du groupe doit accepter toute publication avant que celle-ci ne soit publique et n’apparaisse dans le fil d’actualité. Ensuite, la mise en forme des articles doit respecter les règles de publication figurant dans la description du groupe : l’administratrice y invite les membres à « privilégier le travail photographique et de recherche “personnel” plutôt que du “copié-collé”. Et le fait de s’exprimer correctement ne serait évidemment que du bonus. » Pour illustrer cette règle, elle explique au cours d’un entretien la manière dont elle écrit ses articles. Sa recherche commence soit par un sujet intéressant qui la pousse à se documenter et à aller faire des photos, soit par des photos prises lors d’une promenade qui l’intriguent et l’invitent à faire des recherches. De plus, elle a toujours sur elle « mon carnet, mon stylo [rire] pour noter au cas où. Et puis je fais pas mal de recherches, sur Internet, dans les bouquins et tout ça. » Aux livres qu’elle possède s’ajoutent ceux des archives et des bibliothèques de la ville. « Je prends des infos, et je les recopie dans un cahier. » Mais ce qu’elle publie n’est pas du « copié-collé » : elle synthétise les informations recopiées de diverses sources. Pourtant, elle (tout comme les autres membres publiant des articles) ne mentionne que rarement ces sources dans l’article final.

Publications sur le groupe Facebook Le patrimoine A“Laon”Tour

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Publications sur le groupe Facebook Le patrimoine A“Laon”Tour

Légende : publications (de gauche à droite) : devinette, article, courtoisie
Source : Captures d’écran. Crédit : Manon Istasse (2017).

22À ces règles concernant le « comment publier » s’ajoutent les indications sur le « que publier ». Le descriptif du groupe précise qu’il est « entièrement et exclusivement dédié au patrimoine et à l’Histoire de la ville de Laon dans l’Aisne, afin de la connaître mieux, et aussi de la faire connaître au plus grand nombre ». Ainsi, la majorité des articles publiés concernent des monuments religieux (cathédrale, abbayes, églises), un quartier ou une rue, les remparts et leurs portes, les Laonnois(es) célèbres, le petit patrimoine, ou une maison particulière (son architecture, son histoire, ses occupants). Peu d’articles (moins de 10 sur les 127 relevés en juillet 2016) sont consacrés aux bâtiments publics (hôtel de ville, préfecture, écoles, cité administrative), aux cimetières, aux fontaines et lavoirs, aux bâtiments militaires, aux transports ou aux souterrains. Ne sont par contre pas acceptés les monuments et lieux extérieurs à Laon (seuls quatre articles font exception), les photos trop floues, les commentaires déplacés, les devinettes qui se présentent sous forme de concours avec cadeau à gagner, et les règlements de compte personnels. Ainsi, plusieurs membres ont été remis à leur place, suite à des propos déplacés, tandis que deux ont été bannis du groupe.

23Les publications et commentaires ne s’en tiennent pourtant pas à l’information, à la description des éléments de patrimoine de la ville ou à l’évocation de sentiments. Ils rappellent également qu’il est important que les citoyens surveillent l’état de vétusté des monuments et autres constructions de la ville, donnent l’alerte en cas de risque d’écroulement, annoncent où des travaux de restauration ou de solidification sont ou vont être entrepris… Les membres du groupe évoquent aussi leurs opinions quant au rôle de la municipalité et des dirigeants dans la préservation du patrimoine de la ville. Certains soulignent que le patrimoine est l’affaire de tous, « pas juste des propriétaires (quand il s’agit de biens privés…). Tout le monde profite d’une belle demeure, ou d’un lieu historique, visuellement déjà, c’est un honneur je trouve de pouvoir admirer des monuments comme ceux que nous avons à Laon. » D’autres critiquent plus directement les élus et autres responsables : « Loin de mes intentions de critiquer un bénévole [qui n’était pas à l’heure pour ouvrir les portes d’une église]. Mais c’est là que ça pèche… Il n’y a pas des “responsables” de notre patrimoine pour gérer cela ? Pourquoi faut-il que ce soit des bénévoles qui s’accrochent à notre ville plutôt que ces braves “fonctionnaires” ou autre “statut” qui se “contentent” de faire leurs “heures” et après eux le…. désespoir. »

24L’administratrice affirme cependant ne tolérer au sein du groupe ni politique, à savoir le jugement de la gestion de la ville par les élus, ni présence d’une parole de politicien(ne). Ces derniers sont invités à faire des publications et des commentaires personnels. Le choix de l’administratrice de valoriser l’informatif et l’affectif et non le politique était particulièrement visible lors de la « destruction d’un patrimoine de la ville » : la mise à l’arrêt du Poma 2000 en août 2016. Ce mini-métro de Laon fut mis en service en 1989, remplaçant une ligne de tramway à crémaillère devenue trop vétuste. L’éventualité de sa fermeture en janvier 2016, puis l’annonce de cette dernière en mars de la même année, a suscité des réactions et des mobilisations sur Facebook. Sur la page du Patrimoine A“Laon”Tour, on trouve tout d’abord des articles sur l’histoire des transports en commun à Laon mentionnant le Poma, des cartes postales et photos comparant le tramway et le Poma, des photos des infrastructures du Poma (viaduc, station à la gare…), des vidéos du Poma en service, puis, dès mars 2016, une pétition (hébergée sur change.org) contre sa fermeture, et enfin des photos accompagnées de commentaires comme « RIP Poma » ou la proposition de mettre une cabine du Poma à côté d’un wagon du tramway à crémaillère qui figure sur la place en face de la gare, faisant par là entrer le Poma dans le patrimoine de la ville. Mais dès que les propos prenaient une tournure plus engagée, l’administratrice rappelait qu’il existait des pages Facebook dédiées au Poma et à la mobilisation contre sa fermeture.

25En effet, cette mobilisation a aussi été présente sur une page Facebook en partie dédiée au patrimoine de la ville : SOS Laon. Cette page, créée en 2014 et aimée par 456 personnes (dont des membres du Patrimoine A“Laon”Tour), se présente comme un « forum citoyen non politique ». Elle est ouvertement critique envers la municipalité qui, selon les mots d’un administrateur, n’a « aucune vision d’avenir » et « laisse mourir la ville à petit feu ». Le maître mot de la page est l’indignation, et chaque publication invite les Laonnois(es) à s’indigner sur diverses thématiques : la fermeture des commerces de proximité, l’exode des habitants vers des villes plus importantes, les problèmes d’incivilité (déchets, stationnement sauvage), les négligences envers le patrimoine… Ne se contentant pas de critiquer, les administrateurs donnent également des exemples de ce qui se fait dans d’autres villes françaises et européennes. Cette page va donc au-delà d’un intérêt pour le patrimoine de la ville : partant de constats de mauvaise gestion de la ville et laissant libre cours au sentiment d’indignation, les administrateurs se veulent critiques (l’indignation est toujours justifiée) et créatifs (des solutions sont proposées).

26L’annonce de la suppression du Poma y a été largement relayée : articles de presse, témoignages et prises de parole de citoyens, copie de lettres envoyées au Président de la République et à des ministres (Environnement et Aménagement du territoire), mise à disposition de rapports de conseils nationaux sur l’environnement… SOS Laon fut également, et est toujours, un relais de l’association et sa page Facebook éponyme créées pour l’occasion : Agir pour le Poma. Cette page, créée en février 2016, est aimée par 601 personnes en octobre 2016, dont certains membres du Patrimoine A“Laon”Tour et de SOS Laon. Les administrateurs ont tout d’abord publié des informations, chiffres, rapports, articles de journaux, prises de position de citoyens et de politicien(ne)s, vidéos et reportages tournés par France 3 Picardie. Ils ont initié et fait circuler une pétition contre la fermeture du Poma, et ont organisé et documenté les manifestations citoyennes à la mairie et à la communauté d’agglomération (qui devait voter la suppression du Poma). Après avoir en vain tenté d’annuler la suppression du Poma, les administrateurs entendent le classer aux monuments historiques.

Une communauté de citoyens attentifs aux communs : le patrimoine citoyen sur Facebook

27Les membres des groupes et pages Facebook présentés ci-dessus forment des communautés [15][15]Le terme « communauté » a été préféré à celui de « collectif ».…, pouvant être qualifiées de communauté d’expérience (Aspe 2009), de communauté discursive (Boure, 2013), de communauté de pratique (Wenger, 1998), de communauté en ligne (Roquais-Bialek, 2004), de communauté virtuelle (Affleck et Kvan, 2008), de communauté numérique (Proulx, 2008 ; Abidin, 2013) ou de communauté émotionnelle (Rosenwein, 2006). Le choix et l’argumentation d’une qualification dépassant le cadre de cet article, je me contenterai ici du fait que cette communauté n’est pas un simple agrégat d’individus, mais possède une identité, une forme d’organisation et une certaine régulation. En effet, les membres n’hésitent pas à se doter d’une identité (les « Laonmoureux »), régulent leurs échanges autour de référents partagés (les règles du groupe, mais aussi des bâtiments phares de la ville ou encore une passion pour le patrimoine), et s’auto-organisent : s’il y a une administratrice, tout le monde peut publier, la participation est volontaire, et les thèmes de discussion ne sont pas imposés. Cette communauté regroupe alors les membres autour d’un projet de « patrimoine citoyen », au sens d’initié par des individus qui documentent, valorisent et partagent ce qu’ils considèrent comme patrimoine.

28Ces communautés permettent de faire entendre et de rendre visibles les voix des non-professionnels. Ces derniers, souvent éloignés des instances et procédures institutionnelles, se rassemblent dans des lieux plus informels, voire virtuels, comme Facebook. Des professionnels du patrimoine peuvent y être présents, mais ils n’y tiennent que rarement le discours de leur institution, se contentant le plus souvent de relayer les manifestations qui y sont organisées. Ils n’hésitent cependant pas à diffuser des cartes postales ou des plans de leur collection personnelle, à résumer certains de leurs articles, ou à corriger certaines informations erronées, au même titre que les non-professionnels les plus érudits. Autrement dit, les professionnels n’y sont généralement pas engagés dans le régime des institutions (Tornatore, 2006), régime qui instaure le patrimoine comme instance objectivée extérieure aux individus. Le fait que les professionnels membres du groupe n’y soient pas engagés dans ce régime n’accentue aucunement une quelconque distance entre professionnels et non-professionnels, mais souligne que « professionnel » n’est qu’une étiquette portée par certains individus qui n’hésitent pas à la mettre de côté pour prendre part au groupe de manière plus personnelle. Le régime des institutions est par ailleurs présent au sein de la communauté, comme en atteste la forte présence d’éléments du patrimoine officiel dans les publications et commentaires. Mais il n’est pas majoritaire, et laisse place à des régimes d’engagement patrimonial qui se vivent sur un mode sensible et affectif, qui sont ancrés dans le local et font la part belle à l’expérience.

29On retrouve tout d’abord un régime de quotidienneté, basé sur l’expérience physique de l’espace. Il s’agit alors de publications d’observation de tel détail architectural remarqué après quelques visites du lieu ou de tel élément de patrimoine menacé de destruction ou menaçant suite à sa détérioration. Les membres participent aussi selon un régime d’historicité, inscrivant pour certains leurs observations dans une temporalité longue (et parfois nostalgique), mettant en récit des histoires de quartiers ou bâtiments, documentant les cartes postales des lieux qu’ils ont connus étant jeunes, et n’hésitant pas à mentionner des éléments exemplaires en termes de connaissance, de préservation et de valorisation du patrimoine. Le régime du partage favorise quant à lui la prise de parole des gens ordinaires, de leurs émotions, de leurs témoignages d’une expérience vécue, en leur accordant une certaine authenticité. Enfin, le régime de l’opinion assure au sein de ces communautés qu’une certaine polyphonie (des voix, des conceptions du patrimoine) soit respectée, que des points de vue particuliers sur le patrimoine soient rendus visibles et soient pris en compte.

30Ainsi, similairement aux sciences citoyennes, Facebook est un dispositif collaboratif qui permet aux voix citoyennes de se faire entendre et de se rendre visibles. Mais ces voix ne sont que rarement dissidentes ou alternatives, en ce sens qu’elles adoptent les catégories et procédures institutionnelles. Les membres du groupe Facebook utilisent en effet les catégories patrimoniales officielles (patrimoine architectural, monumental, religieux, petit patrimoine), valorisent les méthodes de recherche des professionnels (recherches bibliographiques, aux archives…) même s’ils accordent moins d’importance aux sources et références, et entendent tout comme les institutions valoriser, préserver et conserver le patrimoine officiel de la ville. S’ils critiquent parfois des actions institutionnelles ou proposent des alternatives, il ne s’agit pas pour autant de les remettre fondamentalement en question, mais d’inviter ces institutions à en faire encore plus. Les membres du groupe Facebook s’inscrivent donc plus dans le discours légitime et officiel du patrimoine qu’ils ne s’en éloignent ou le remettent en question. À cette acceptation du discours officiel s’ajoute celle du clivage entre professionnels et non-professionnels : le groupe Facebook l’entérine plus qu’il ne le remet en question en se décrivant comme un groupe amateur et en ne s’inscrivant pas dans une démarche d’accumulation des connaissances.

31Ces connaissances, leur production, diffusion et acquisition sont importantes au sein de ces groupes. En effet, selon Cécile Méadel (2010), la fabrique de connaissances commence dès que la recherche et la collecte d’informations sont reprises et mises en forme en vue d’une diffusion. Ces connaissances, qui sont des productions propres, peuvent s’autonomiser et avoir leurs propres formats. Au sein du groupe Facebook, les connaissances circulent avec pour objectif d’informer, voire de mobiliser, les citoyens sur un sujet particulier. Cette circulation s’effectue soit par le transfert de connaissances mises en forme par autrui (publier un article de journal ou l’argumentaire d’une pétition), soit par la création de connaissances sous une forme propre allant de la photo commentée à l’article synthétique. Mais si cette production et circulation est bien le fait d’un plus grand nombre, comme dans les projets de science citoyenne ou Wikipédia, leur utilisation est limitée pour deux raisons principales. La première est leur manque de référencement et le peu de citation des sources, ce qui les rend peu utilisables par les professionnels et institutions du patrimoine, qui questionnent notamment leur valeur et leur qualité potentielles. N’ayant pas adopté les principes de « légitimité scientifique », le groupe Facebook ne possède pas de légitimité aux yeux des professionnels (et ne la recherche d’ailleurs pas). La seconde réside dans l’absence d’accumulation, d’agrégation des connaissances, à la différence des projets de science citoyenne qui entendent produire des résultats scientifiques et les utiliser pour argumenter des propositions de défense ou de sauvegarde, ou de Wikipédia qui propose une encyclopédie dotée d’un moteur de recherche (et donc d’une indexation) performant. Or la multiplication parfois trop importante des thèmes et fils de discussion et la structure du groupe en font une ressource peu utilisable en termes de recherche. Si un moteur de recherche interne permet de retrouver les publications par mot clé, il dépend des termes utilisés par les membres dans leurs publications. Il n’existe en effet aucune indexation commune des publications par tag ou mot clé. Ainsi, les informations sont peu visibles à qui n’est pas familier du groupe et, à moins de suivre quotidiennement le fil d’actualité, il est difficile d’avoir une vue d’ensemble des connaissances diffusées. Les potentialités en termes de connaissances ne sont donc accessibles qu’à un public assidu, et non par exemple à des citoyens visiteurs (comme les touristes) ou des professionnels du patrimoine cherchant des informations, documents ou références sur un sujet ou un monument particulier.

32De plus, les connaissances ne constituent pas le moteur unique de participation des membres : s’y ajoutent des motivations personnelles. Ainsi, l’administratrice affirme qu’elle a créé le groupe avant tout pour elle, car elle aime chercher. Elle souligne aussi l’apprentissage que cette production de connaissance lui permet d’accomplir. Les membres du Patrimoine A“Laon”Tour déclarent également apprendre beaucoup de choses sur leur ville de résidence ou de cœur, et sont heureux de constater que d’autres partagent leur nostalgie et des souvenirs relatifs à certains lieux de la ville. D’autres étendent leur réseau (ou leur capital) social, se rencontrent en dehors du groupe, soit parce qu’ils se connaissaient déjà avant, soit parce qu’ils se sont connus dans le groupe. Les connaissances et interconnaissances au sein du groupe ne sont donc pas tant destinées à la résolution de problèmes relatifs au patrimoine, qu’à la création d’une proximité symbolique et géographique, qu’à la participation à une certaine forme de sociabilité, qu’au partage de passions et émotions, dont on peut faire l’hypothèse qu’elles constituent ce qui est partagé par les membres du groupe lorsque leurs rôles et statuts ne définissent plus leurs relations.

33Ces multiples motivations laissent d’une part une place aux émotions et aux affects dans les publications et les commentaires, soulignant le lien émotionnel, caractéristique de l’âge du patrimoine (Fabre, 2013), entre les membres du groupe Facebook et leur patrimoine. Ce lien émotionnel est différent de celui rencontré dans les autres associations historiques et patrimoniales laonnoises pour trois raisons : il repose sur le partage de documents essentiellement visuels (photographies, vidéos) numériques et non sur des discussions de vive voix entre membres d’une association ; il implique des individus n’habitant pas forcément la ville et résidant parfois loin, à la différence de membres d’associations dont la rencontre et le partage d’émotions sont possibles suite à leur résidence proche ; il s’inscrit dans une double temporalité, à la fois immédiate (les réactions à une publication sont rapides, là où une dynamique associative implique une réunion périodique des membres) et de longue durée (la publication demeurant sur Facebook, il est possible d’y ajouter des informations et documents autant de temps que le groupe existe). Ces motivations montrent d’autre part que le patrimoine agit comme bien commun. Ce commun n’est pas un trait universel extérieur au groupe, partagé par tous les membres du groupe, et défini comme objectif à atteindre. Le commun dont il est ici question relève d’une intelligence collective concrète, réunit des individus, est ce autour de quoi ils apprennent à s’articuler (Stengers, 2013). Il est alors une manière d’être ensemble qui permet à des personnes soutenant des idées différentes de s’accorder (Zask, 2011). Il s’agit par exemple de l’amour pour la ville de Laon ou de l’intérêt pour son patrimoine. Le commun se développe comme tel par le partage et la discussion sur le groupe Facebook, s’actualise et prend forme par les participations individuelles au sein de ce groupe.

34Ces participations individuelles s’inscrivent dans les nouvelles formes d’engagement mettant le citoyen et son individualité à l’honneur. La participation d’individus à des groupes Facebook et le succès que rencontrent ces groupes montrent que « l’intérêt pour la cause publique n’est pas mort, voire n’a jamais été tant partagé » (Ion, 2012, p. 8). Cette participation est alors proche de celle que Jacques Ion décrit au sein des associations : une participation plus ponctuelle (engagement post-it) qu’inscrite dans la longue durée (engagement-timbre) tout en étant importante et personnelle ; une participation d’individus qui entendent agir en leur nom propre même s’ils font partie d’un collectif et qui s’y affirment comme indépendants par rapport au monde politique et par rapport à leur milieu social ; une participation au sein de collectifs informels et moins dans des structures organisées comme les associations ; et une participation qui valorise les liens faibles et ne fait pas de la coprésence physique des membres un critère de définition du collectif.

35De plus, ces participations individuelles au sein des groupes Facebook se distinguent des modèles citoyens avancés par les sciences citoyennes : un membre d’un groupe Facebook ne contribue pas à un projet scientifique initié par des professionnels, ne collabore pas forcément avec des professionnels, ne prend pas part à la co-création d’un projet impliquant des professionnels. Le membre du groupe Facebook est un citoyen discutant, pour reprendre une catégorie d’Hannah Lewi et al. (2016), doté de certaines compétences, variables selon les individus, d’attention et d’enquête autour de ce qu’il présente comme des communs. Les groupes Facebook se distinguent alors des sites institutionnels qui invitent les visiteurs à laisser des commentaires, ainsi que des projets d’indexation collaborative proposés par des services publics d’archives, impliquant plutôt un citoyen contributeur dans le cadre de missions définies par le service public, et recourant parfois à un opérateur payant fournissant la plateforme numérique. Les groupes Facebook se distinguent finalement des projets menés par des amateurs en vue de contribuer à la documentation précise et détaillée d’un patrimoine particulier, à l’instar de PhotosNormandie. L’objectif des groupes Facebook n’est pas tant la contribution à la documentation du patrimoine que la discussion de ce qui intéresse les membres. Il n’y a donc pas forcément, de la part des groupes Facebook, de demande de reconnaissance institutionnelle ou de prise en compte par les professionnels, ces groupes ne venant en rien combler ou compléter une initiative institutionnelle.

36Le citoyen discutant des groupes Facebook n’est alors que peu invité à entreprendre des démarches de gestion active et collective du patrimoine. Si le groupe se fait relais de certaines mobilisations, informant les membres sur les pétitions, les manifestations, ou encore les enquêtes publiques, peu de membres rendent visibles leur mobilisation et leur engagement contre des destructions de patrimoine au sein du groupe du Patrimoine A“Laon”Tour. L’articulation autour des communs au sein du groupe relève bel et bien de la connaissance et de l’engagement intellectuel et non de l’engagement militant. Ainsi, à Laon, les groupes et pages « érudits » restent distincts des groupes et pages « militants » comme SOS Laon, qui ne concernent alors pas uniquement le patrimoine, mais s’intéressent aux problèmes quotidiens. Les groupes Facebook relatifs au patrimoine s’inscrivent alors dans la même tendance que les associations patrimoniales de loi 1901 qui prennent place dans un secteur des politiques publiques très investi par l’État, dont les procédures (de classement, d’inscription…) sont sous la responsabilité de la Direction du patrimoine du Ministère de la Culture (Glevarec et Saez, 2002).

37La description des membres et activités d’un groupe Facebook dédié au patrimoine d’une ville française permet de mettre en évidence certaines spécificités de ces groupes. Tout d’abord, à la différence des sciences citoyennes, les amateurs de patrimoine disposent d’un lieu de publication inédit où diffuser les informations et connaissances qu’ils désirent, et non ce qui leur est demandé ou imposé. Il n’y a pas au sein de ces groupes d’objectif particulier à atteindre en termes de documentation du patrimoine de la ville (chacun parle de ce qui l’intéresse) ou de collecte d’informations en vue de répondre à des problèmes spécifiques (de gestion, de sauvegarde…). Il n’y a donc pas, à la différence de projets de science citoyenne, d’objectif d’accumulation des connaissances. Ensuite, les membres utilisent pour leurs échanges un réseau social, gratuit, dont ils doivent accepter la structure d’organisation (autogestion…), mais leur laissant une certaine liberté de fonctionnement (règles propres au groupe…). Enfin, via ce groupe Facebook, les amateurs n’entendent pas suppléer, compléter ou combler une initiative institutionnelle : leur objectif est de laisser libre cours à leurs discussions (tant qu’elles respectent les règles du groupe), et non de rechercher une reconnaissance de la part d’institutions ou de professionnels, qui peuvent cependant prendre part au groupe s’ils le désirent. Pourtant, ces groupes ne jouent qu’un rôle limité dans l’émergence d’un patrimoine citoyen, le citoyen étant principalement un non-professionnel qui, si sa voix se fait entendre, n’entre que peu en dialogue avec les professionnels et ne remet pas en question leurs discours et actions. D’un côté, le groupe Facebook permet la coexistence d’une multitude d’engagements patrimoniaux qui ne sont pas strictement ceux des institutions, mais ceux qui favorisent l’expérience personnelle, le témoignage, ou encore les affects et émotions. Mais d’un autre côté, il n’entre pas en opposition directe avec les discours et pratiques officielles, reprenant en partie leurs catégories et objectifs, ni ne remet en question le clivage entre professionnels et non-professionnels. Il n’est pas non plus le lieu d’un engagement militant envers la préservation et la sauvegarde du patrimoine, mais bien le lieu d’un engagement individuel, post-it.

Notes

  • [1]
    Je remercie Michel Rautenberg ainsi que les deux experts anonymes qui ont relu les premières versions de cet article pour leurs commentaires judicieux.
  • [2]
    http://fr.wikihow.com/devenir-%C3%A9rudit (consulté le 19 octobre 2017).
  • [3]
    Je n’entre pas ici dans le débat relatif à la pertinence du terme « citoyen », qui d’une manière générale associe les citoyens aux non-professionnels, éliminant les professionnels de la citoyenneté.
  • [4]
    Terme également discutable qui comprend ici les entreprises, associations, conseils de quartier et particuliers.
  • [5]
    ERUDIPIC est un projet financé par la région Picardie de 2013 à 2016 et coordonné par Tiphaine Barthelemy. Il a pour objet principal le rôle des associations et sociétés savantes dans la connaissance, la préservation et la diffusion de l’histoire locale et du patrimoine en Picardie. Il rassemble des chercheurs de plusieurs disciplines (histoire, sociologie, géographie) et laboratoires de l’Université de Picardie Jules Verne (CURAPP-ESS, Habiter le Monde, CHSSC), ainsi que des étudiants.
  • [6]
    Lors de l’enquête de terrain, les interlocuteurs ont évoqué pratiquer les technologies suivantes : photographie numérique, tournage et diffusion de films, modélisation 3D, numérisation de documents, et utilisation de logiciels informatiques.
  • [7]
  • [8]
    En effet, plusieurs plateformes proposent des sites gratuits, ou dont certaines fonctionnalités sont payantes : pagesperso-orange, sfr, jimdo, e-monsite. Au niveau des blogs, on retrouve over-blog, wordpress, canalblog, blogspot et skynet.
  • [9]
    https://www.facebook.com/groups/450791348379290/ (consulté le 19 octobre 2017).
  • [10]
    Prendre des photos est en effet une pratique plus que répandue. Untel prend énormément de photos avec son téléphone portable et les télécharge ensuite sur son ordinateur pour en ­examiner les détails. Une telle photographie les archives qu’elle consulte et classe les photos sur son ordinateur afin de ne pas devoir « tout recopier » (ce qu’elle faisait avant que des membres de sa famille ne se cotisent pour lui offrir « un bon appareil photo »). La photographie sert donc aussi bien comme base de la connaissance, en tant qu’outil de stockage des connaissances et documents, et comme moyen de leur diffusion lors des expositions ou sur les interfaces Internet.
  • [11]
    Certains chercheurs ont en effet souligné le rôle de la photo dans le développement d’une relation patrimoniale aux lieux et monuments (Tornatore, 2006 ; Rojon, 2015).
  • [12]
    Par comparaison, Laon, qui compte 25 282 habitants, possède un groupe Facebook de 284 membres (au 16 juillet 2016) alors que Perth, ville de 2 021 200 habitants, a un groupe Facebook de 1 725 membres.
  • [13]
    Un greeter est un habitant qui fait bénévolement visiter « son coin », son village, sa région, à des touristes. Cette forme de tourisme participatif est supposée procurer une visite plus authentique, insolite et originale, le(s) visiteur(s) partageant les lieux de la vie quotidienne et les coups de cœur du greeter.
  • [14]
    Ainsi, certaines informations concernant la profession ou le lieu de résidence des membres de ce noyau dur ont été obtenues lors des entretiens et discussions informelles.
  • [15]
    Le terme « communauté » a été préféré à celui de « collectif ». Suivant Joëlle Zask (2011), un collectif est un groupe d’individus dont les contours, les objectifs et l’identité sont extérieurs. Il est en cela proche de la collection d’individus. Il est également défavorable à la participation des individualités : les contributions et initiatives individuelles n’y sont pas forcément encouragées et ne modifient ni le fonctionnement du groupe ni sa nature. L’adhésion (à un parti politique, à une association) ou l’assignation sont deux manières de rejoindre des collectifs. Une communauté résulte par contre de l’assemblage de positions personnelles, de la coordination d’individualités dont la participation est permise, favorisée et prise en compte dans le fonctionnement du groupe et dans la définition de sa nature. L’association (participative) est une manière de prendre part à une communauté.
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Français

Facebook est un dispositif collaboratif qui participe à la démocratie patrimoniale en visibilisant d’autres régimes d’engagement avec le patrimoine que celui des institutions. La description et l’analyse d’un groupe Facebook dédié au patrimoine d’une ville française, et sa comparaison avec les caractéristiques des dispositifs collaboratifs des sciences citoyennes, montrent le caractère limité de cette ouverture démocratique. Premièrement, le discours patrimonial sur Facebook ne remet pas en question le discours officiel sur le patrimoine et son mode de fonctionnement s’inscrit dans le clivage entre experts et amateurs. Deuxièmement, et à la différence des sciences citoyennes, la production de connaissances au sein de ces groupes ne répond pas à une logique cumulative érudite ni ne favorise des relations entre professionnels et non-professionnels. Enfin, l’idée du citoyen promue dans les groupes Facebook est celle d’un citoyen discutant, compétent, vigilant, attentif, et éventuellement nostalgique, envers les communs construits et présentés au sein du groupe. La forme d’engagement au sein de ces groupes rejoint alors l’engagement post-it tel que décrit au sein des associations contemporaines.

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Manon Istasse
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Université Jean Monnet, Centre Max Weber
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Mis en ligne sur Cairn.info le 20/12/2017
https://doi.org/10.3917/res.206.0193
Pour citer cet article
Istasse Manon, « Facebook et les amateurs de patrimoine. Participation, engagement et démocratie », Réseaux, 2017/6 (n° 206), p. 193-218. DOI : 10.3917/res.206.0193. URL : https://www.cairn.info/revue-reseaux-2017-6-page-193.htm
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