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Dossier Thématique : la numérisation du patrimoine technique

L’apport des technologies de l‘information et de la communication (TIC) à la sauvegarde du patrimoine scientifique et technique contemporain (PATSTEC)

The contribution of Information and Communication Technologies (ICT) to the safeguarding of the contemporary scientific and technical heritage
Yves Thomas et Catherine Cuenca
p. 73-80

Résumé

A la lumière de dix années de pratique de sauvegarde du patrimoine scientifique et technique contemporain, nous insistons ici sur la dimension humaine apportée par des oeuvres multimédia qui constituent un indispensable complément à des objets matériels complexes et souvent opaques. Des histoires de recherche, des histoires de laboratoire, des histoires de produits industriels ont ainsi été conçues, réalisées et produites sur supports DVD Rom ou sites web et sont utilisées aussi bien par des professionnels de la sauvegarde que par des publics d’enseignants, de lycéens et d'étudiants.

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Texte intégral

1L’acronyme PATSTEC qui figure dans notre titre concerne les instruments, les machines, les outils, les prototypes, les systèmes, mais aussi les brevets, les documents divers, les entretiens oraux ou écrits de ces soixante dernières années, dans les domaines scientifiques et techniques. Le terme « patrimoine » est utilisé par facilité car il s’agit plutôt d’objets matériels et immatériels, en situation d’attente de sauvegarde et de patrimonialisation. Des objets difficiles car ils sont le plus souvent opaques, peu esthétiques, peu spectaculaires, complexes donc délicats à expliquer. De plus, ils ont tendance à proliférer ; leur conservation requiert ainsi des critères de sélection. Ce sont par exemple les différents types de microscopes électroniques (confocal, à balayage, à transmission, à force atomique, à pression variable), les nombreux appareils radiologiques (gamma caméra, scanner, IRM, PetScan), mais aussi les systèmes d’observation sous-marine depuis les premiers submersibles jusqu’aux robots sous-marins, les systèmes d’observation spatiaux, des télescopes optiques aux télescopes électroniques embarqués sur satellites, les ordinateurs depuis le monstre inopérant ENIAC de 1946 jusqu’au Personal Computer puissant d’aujourd’hui.

2À travers ces quelques exemples, on devine qu’à la fois les méthodologies classiques de sauvegarde et la muséologie traditionnelle s’avèrent insuffisantes.

3La question que nous abordons ici à la lumière de nos dix années d’efforts de sauvegarde de ce patrimoine, porte sur les Technologies de l’lnformation et de la Communication (TIC) (comprenant notamment le Web, son imagerie et ses moteurs de recherche) : peuvent-ils, et doivent-ils, jouer un rôle, et lequel, à la fois pour la sauvegarde de tels objets et pour leur valorisation ?

4Avant d’aborder cette question et afin de bien comprendre le contexte patrimonial, il nous semble important d’une part de caractériser le demi-siècle scientifique et technique qui vient de s’écouler, d’autre part de préciser l’impact sociologique et culturel des TIC issues de trente années de révolution numérique.

La techno-science contemporaine

5La science contemporaine a fortement changé de dimension dans ses pratiques et ses objets, à la fois en direction de l’infiniment petit et vers l’infiniment grand.

6L’observation, la compréhension des phénomènes qui, dans les années 1960, s’effectuaient à l’échelle du micromètre, sont réalisées aujourd’hui à celles du nanomètre et de l’angström, aux niveaux atomique et subatomique. À l’observation scientifique, se sont ajoutées la simulation numérique et l’ingénierie de miniaturisation qui ont engendré l’extraordinaire développement de la microélectronique, de la biologie moléculaire et de la synthèse de nouveaux matériaux. La microélectronique a généré la micro-informatique, les télécommunications numériques et les systèmes de contrôle commande embarqués. L’ingénierie moléculaire a mené aux séquençages des génomes et au génie génétique. Le génie des matériaux permet des innovations de produits à caractéristiques et performances spécifiques.

7À l’autre « extrémité » des dimensions de la science, s’est développée la Big Science, dédiée notamment aux recherches spatiales et nucléaires, dans le cadre d’organismes comme la Nasa et l’Agence Spatiale Européenne, le Department of Energy américain, le CERN à Genève et maintenant ITER à Cadarache. Cette Big Science se caractérise par des installations gigantesques (les accélérateurs de Los Alamos et Brookhaven aux États-Unis, Troitsk en Russie, le Large Hadron Collider du Cern à Genève, le réacteur de fusion Iter), où se côtoient des chercheurs de multiples disciplines et du monde entier. C’est l’illustration concrète et localisée de la mondialisation de la science, facilitée en outre par l’interconnexion des puissances informatiques.

8Le phénomène de la Big Science reste, pour des raisons économiques, limité et concentré, mais il a maintenant des retombées au niveau des laboratoires classiques de recherche que leurs tutelles poussent à grossir, par croissance externe et fusion, en vue de favoriser un contexte scientifique et technologique pluridisciplinaire et multi-approches. Ceci n’empêche pas les inventions ou découvertes, hors Big Science, de rester plutôt individuelles alors que les innovations qui en résultent ou qui s’en déduisent sont nécessairement amplement collectives, car impliquant des techniciens et ingénieurs de fabrication et de production, des services commerciaux et de marketing, des formateurs, des stratèges des organisations.

9On notera d’ailleurs, dans cet esprit, que la science et la technologie se sont partout rapprochées et « cross fertilisées » : le monde des chercheurs et le monde de l’industrie se sont développés au plus près dans les parcs scientifiques, les technopoles et autres Silicon Valley ; les laboratoires et les start up ou spin off sont intimement liés, d’où le terme de techno-science, de plus en plus usité. Enfin, ces techno-sciences se sont mises rapidement au service des citoyens en envahissant et en bouleversant leurs vies quotidiennes par introduction de la micro-électronique, de la micro-informatique, des matériaux plastiques et composites, dans les habitations, en voiture et sur les lieux de travail, de service et de loisir.

10Ainsi, les objets du futur patrimoine matériel, issus d’innovations techno-scientifiques de ces soixante dernières années, ont une histoire et un contexte complexes qui impliquent des hommes et des femmes qui devraient, par leurs apports écrits et oraux, fournir un indispensable et complémentaire patrimoine immatériel.

La révolution numérique et les nouvelles pratiques sociales et culturelles

11Il est difficile d’aborder l’apport des TIC au domaine de la sauvegarde sans résumer l’évolution galopante de ces trente dernières années en matière de technologies numériques.

12La révolution numérique prend sa source en 1971 avec la création par Intel du premier micro-processeur mais elle ne s’est réellement révélée qu’au début des années 1980 avec le micro-ordinateur Apple II et surtout grâce à l’avènement de l’IBM PC muni du système d’exploitation MS-DOS, qui avec Microsoft va engendrer un standard mondial et consacrer une nouvelle informatique, individuelle, mise en réseau et non propriétaire. Concomitamment, les télécommunications se numérisent et le réseau américain Arpanet permet aux chercheurs d’échanger des fichiers et des informations par courrier électronique, de même que se développent en France le Minitel, son annuaire et son courrier électroniques. Au début des années 1990, Arpanet devient Internet et s’ouvre au commerce mondial et au grand public. L’application World Wide Web du Cern, ses sites Web et ses browsers se greffent sur ce réseau. Simultanément, en attendant la croissance des débits d’Internet et des capacités mémoires des ordinateurs, de nouveaux supports amovibles et donc transmissibles se développent tels les CD-Rom, les DVD-Rom, les Hard Disks puis les clés USB. Les années 2000 consacrent l’utilisation mondiale (et les censures) d’Internet, un accès individualisé plus confortable et des applications de haut niveau telles « Google Maps » (le symbole du Web 2.0) et demain la fusion ordinateur/télévision, l’Internet Des Objets (IDO), les applications interactives en trois dimensions (3D media) et le sensoriel.

13En matière de muséologie et plus généralement de sauvegarde d’objets, on comprend pourquoi en vingt ans, les inventaires documentés sont passés des bases de données textuelles munies de thesauri à des bases de données multimédia (textes, images fixes, images animées, images 3D, sons) interrogeables par des moteurs de recherche intelligents agissant sur des mots-clés mais aussi sur des phrases-clés, sur des caractéristiques d’images, sur des questions croisées pluri-objectifs.

  • 1  Bernard Deloche, La nouvelle culture, coll. Patrimoine et société, Paris, L’Harmattan, 2007.

14Il y a plus : face à la croissance exponentielle des sites web et des informations qu’ils comportent, la recherche de ces informations ne s’effectue plus linéairement comme dans un livre ou dans une encyclopédie, mais à l’instigation de l’utilisateur, et d’une manière souvent chaotique. Étrangement, ce type de démarche se retrouve dans les pratiques sociales de notre « société néobaroque » actuelle1 : pour l’emploi (plusieurs métiers au cours d’une vie professionnelle, davantage de contrats à durée déterminée), les relations conjugales (plusieurs engagements au cours de la vie personnelle), les loisirs (vacances séquencées). « On est ainsi passé globalement d’une conduite de stratégie linéaire à une conduite tactique non linéaire ». La compensation des risques encourus, c’est l’interactivité.

15Cette modification des pratiques sociales suggère aussi une modification irréversible des pratiques culturelles. Les musées ne peuvent plus ressembler à des livres mais doivent s’adapter aux visites virtuelles interactives (inéluctables) et à des visiteurs maintenant acculturés à l’utilisation de l’informatique, du Web et des technologies de communications sans fil.

16Ayant précisé le contexte techno-scientifique des soixante dernières années et rappelé les effets de la révolution numérique, nous décrivons maintenant chronologiquement notre démarche de sauvegarde, avant de proposer une synthèse des apports des TIC à cette sauvegarde.

L’origine et le développement d’une mission nationale de sauvegarde du patrimoine scientifique et technique contemporain

  • 2  Catherine Cuenca-Boulat, « Premiers repérages du Patrimoine santé à l’Université de Nantes », La L (...)

17En 1996, à l’instigation du Ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, une enquête auprès de l’Université de Nantes fut confiée à Catherine Cuenca2. Elle a permis de montrer que les instruments scientifiques, traces matérielles de la recherche et des innovations de la seconde partie du XXe siècle, disparaissaient des laboratoires et des services, comme dans de nombreuses universités françaises. Concomitamment, un nombre grandissant de chercheurs ayant participé à la création et à la dynamique des laboratoires quittaient depuis quelques années la vie professionnelle – un processus qui s’accélère aujourd’hui. Il en est de même pour les ingénieurs qui ont contribué aux grands programmes informatiques, aéronautiques, spatiaux...

  • 3  Catherine Cuenca, Yves Thomas, Catherine Ballé, éd., Le patrimoine scientifique et technique conte (...)
  • 4  Robert Halleux, « Des collections en quête d’une destinée », dans Les collections scientifiques de (...)

18En 1999, cette mission à visée d’inventaire documenté a été étendue à la région des Pays de la Loire3. Dans le cadre du contrat de plan État-Région en Pays de la Loire, un programme régional de sauvegarde du patrimoine scientifique et technique contemporain a été lancé à titre expérimental avec un cofinancement national, régional et européen. D’emblée, placé sous le contrôle d’un conseil scientifique présidé par Paolo Brenni et éclairé par Robert Halleux4 , le programme visait à sauvegarder sous forme multimédia à la fois les objets techniques mais aussi les témoignages des inventeurs et utilisateurs de ces objets. Nous avons alors développé à la fois une base de données de plusieurs milliers d’objets et des DVD Rom relatant et explicitant les « histoires de recherche et de chercheurs » dans les domaines de l’acoustique, du caoutchouc, de la cardiologie, de la chimie organique, de l’embryologie, du génie des procédés, du génie électrique, de la médecine nucléaire, de la micro-encapsulation, des milieux marins, de la neuro-imagerie, de la phyto-bactériologie, de la résonance magnétique nucléaire, de la transplantation rénale et du végétal, ainsi que dans le champ de la propriété intellectuelle.

19Dès que le débit d’accès à Internet l’a permis, nous avons transporté tous ces résultats sur un site Web dédié à la fois aux professionnels de la culture, aux enseignants et à un large public (consultable aujourd’hui sur http://www.patstec.fr ). Une première étude d’usages des produits multimédia réalisés a alors été effectuée sous la direction de Catherine Ballé.

  • 5  Daniel Thoulouze « Le patrimoine scientifique et technique contemporain », La Revue, n° 43-44, 200 (...)

20En 2003, dans la continuité des programmes décrits précédemment, le ministre chargé de la recherche confiait à Daniel Thoulouze5, alors directeur du Musée des arts et métiers, une mission nationale de sauvegarde et de valorisation du patrimoine scientifique et technique contemporain des établissements d’enseignement supérieur, des centres de recherche et des entreprises. L’objet était de susciter des initiatives régionales dans le cadre d’un réseau national et d’assurer un rôle de conseil et d’expertise pour la constitution de musées scientifiques et techniques contemporains. La mission nationale se proposait de collecter les instruments scientifiques, témoins de la recherche publique et privée, avec les documents majeurs qui y étaient associés ayant appartenu aux membres de l’enseignement supérieur, de la recherche et des entreprises, et de préserver la « mémoire vivante » de la recherche. Ce patrimoine, dans sa globalité et sa grande diversité, doit constituer l’un des outils privilégiés permettant à nos concitoyens de se familiariser avec les savoirs, les techniques et les innovations et représente pour les jeunes la base des vocations dans ces domaines.

  • 6  Catherine Cuenca, « Une mission pour la sauvegarde du patrimoine scientifique et technique contemp (...)

21Pour mener à bien ses objectifs, la mission nationale comprend une cellule de coordination nationale, qui a été située au Musée des arts et métiers6. La cellule apporte un soutien financier, des outils, un suivi et une expertise aux chefs de projet et à leurs collaborateurs dans les régions. Elle doit accompagner la mise en œuvre du programme dans les régions par le suivi et la coordination nationale, tout en généralisant la méthodologie sous forme de conseils et d’expertise. Elle doit aussi favoriser des événements marquant les étapes de réalisation dans les régions. Elle est également assistée d’un conseil scientifique et de groupes d’experts réunis dans un « observatoire » de ce patrimoine scientifique et technique.

22Le Réseau national comprend aujourd’hui quatorze régions partenaires : Aquitaine, Auvergne, Bretagne, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Languedoc-Roussillon, Lorraine, Midi-Pyrénées, Nord Pas-de-Calais, Haute-Normandie et Rhône-Alpes, en plus de l’Île-de-France et des Pays de la Loire. Chaque mission régionale est coordonnée par un chef de projet placé soit au sein d’une université (PRES, Pôle européen, mission de culture scientifique…), soit au sein d’un musée de science, soit enfin dans une délégation régionale du Cnam. Les missions comportent aussi des comités de pilotage composés des différentes composantes universitaires, organismes de recherche et grandes écoles, mais aussi des acteurs locaux de la culture avec l’appui des DRRT, DRAC et collectivités territoriales. Dans certaines régions, ces actions peuvent aller jusqu’à la création de départements, antennes ou musées scientifiques et techniques.

23Aujourd’hui, la base de données nationale comporte plus de 5 000 fiches, munies de 20 000 photographies, vidéos, textes ou animations et des partenariats avec des entreprises (EDF, Essilor) et avec le Cern ont été mis en place. Par ailleurs, la mission nationale inscrit sa réflexion dans un cadre de coopération internationale grâce à des réseaux d’experts européens existants, comme sur l’instrumentation avec la SIC (Symposium International Commission). Dans cet esprit, une journée d’étude a été organisée, au Musée des arts et métiers, réunissant les responsables de collections des grands musées de sciences et de techniques européens (Milan, Munich, Londres, Leyden, Liège…) et d’un musée américain (Smithsonian Institution). Sous l’impulsion de Serge Chambaud, actuel directeur du Musée des arts et métiers, un consortium est né à Milan en 2008 au Musée Léonardo da Vinci pour une ouverture de la mission nationale à l’échelle européenne.

L’apport des TIC à la sauvegarde du patrimoine scientifique et technique contemporain

  • 7  Bernard Deloche, La nouvelle culture : La mutation des pratiques sociales ordinaires et l’avenir d (...)

24Dans La nouvelle culture, Bernard Deloche écrit : « Le patrimoine doit être compris d’une nouvelle manière, non seulement par référence aux supports, que l’on cessera de fétichiser, mais surtout en prenant en considération l’identité même du contenu à transmettre »7. C’est aussi ce que nous avons défendu précédemment, pour le patrimoine scientifique et technique : les objets n’ont de sens et d’intérêt que s’ils sont accompagnés de l’expression et des explications des hommes et des femmes qui les ont utilisés, créés ou développés. La valorisation des objets matériels sauvegardés passe ainsi nécessairement par la réalisation d’œuvres numérisées impliquant les auteurs et les acteurs. Ceci est nouveau par exemple par rapport au travail de l’Institut national de l’audio-visuel, qui sauvegarde notamment les œuvres cinématographiques et audiovisuelles, car dans le cas du patrimoine scientifique, les œuvres ne préexistent pas, elles sont à construire. Il faut en effet produire un patrimoine numérisé à la fois pour sauvegarder le patrimoine scientifique mais aussi pour le montrer et le démontrer dans une démarche pédagogique et esthétique.

25En réalisant des « histoires de recherche », nous avons voulu relater, par le développement de produits multimédia, des histoires vécues, balisées par les objets utilisés ou réalisés, démontrant le rôle et le métier de chercheur dans ses apports plus ou moins importants à l’avancement de la connaissance et, quelquefois au développement économique.

26En réalisant les « histoires de laboratoires », nous avons voulu, toujours par le développement de produits multimédia, expliquer comment la coopération entre individus inventifs et entre équipes de compétences diverses s’organisent au cours du temps autour d’instruments de plus en plus performants pour atteindre les objectifs suggérés par des conseils scientifiques vigilants. Sur le plan des TIC, l’accès dans un livre d’histoire à des vidéos, dont les acteurs sont les chercheurs impliqués, engendre par son réalisme une grande force de conviction et de démonstration.

27Par exemple, en contribuant à une exposition réelle, au moyen de panneaux numérisés, sur les cinquante années du verre Varilux d’Essilor, nous avons tenté d’expliquer qu’entre l’invention individuelle de ce verre progressif par Bernard Maitenaz et la réussite commerciale de l’innovation, il aura fallu des décennies de coopération entre de nombreux spécialistes de recherche/développement, de production, d’instrumentation, de marketing, de publicité et de managers. On conçoit ce que pourrait apporter en complément l’exposition correspondante en ligne en trois dimensions, qui pérenniserait l’exposition réelle et en permettrait des améliorations et des mises à jour.

28En réalisant, au moyen de liens vers les items du site Patstec, un module de Master multimédia sur les domaines scientifiques et technologiques les plus innovants de ces dernières années, nous avons enfin proposé aux étudiants un produit numérique dans l’esprit de leurs nouvelles pratiques interactives, en les amenant à construire eux-mêmes de tels produits sur une thématique techno-scientifique imposée.

29En résumé, nous pouvons dire avec Catherine Ballé, que cette démarche, ces outils, ces produits basés sur les TIC ont engendré au moins trois types d’usages : un usage patrimonial, un usage scientifique et un usage culturel. L’usage patrimonial, ou de patrimonialisation en cours, est dû à l’outil informatique de travail collaboratif qui permet le réseau national et à la base de données commune qui autorise, au moins transitoirement, la conservation in situ des objets réels. L’usage scientifique est issu des archives audio et vidéo qui montrent et démontrent les genèses des inventions et des innovations, l’interaction chercheurs objets, les démarches et les métiers de la recherche, d’une manière générale la sociologie de la recherche. Enfin, l’usage culturel concerne à la fois l’enseignement qui s’appuie de plus en plus sur des documents numériques et la diffusion de la culture scientifique et technique qui doit s’adapter aux nouveaux comportements des jeunes face aux TIC. Ce dernier usage suppose cependant la présence de médiateurs car les contenus sont nécessairement un peu difficiles.

30Dans tous ces cas, le numérique ou le virtuel contribuent à introduire la dimension humaine dans des composantes matérielles, naturellement inanimées, austères et peu explicites. Pourtant des observateurs font encore souvent le reproche de la désincarnation, estimant que jamais le virtuel ne remplacera le réel du musée (où pourtant règne l’interdiction de toucher). Alors comme toujours, avec l’utilisation de TIC galopantes, imaginons le futur, proche.

31Avec le naissant Internet des objets (IDO), on a la possibilité de personnifier des objets en leur attribuant intelligence et capacités de communiquer. C’est la possibilité d’identifier de manière unifiée des éléments d’information numérique (URL des sites web) et des entités physiques par puces RFID (Radio Frequency Identification Systems) et Bluetooth. C’est la passerelle entre les mondes physique et virtuel, c’est un nouvel internet qui va permettre, via de tels systèmes électroniques normalisés et des dispositifs mobiles sans fil, d’identifier directement et sans ambiguïté des entités numériques et des objets physiques et de pouvoir ainsi récupérer, stocker, transférer et traiter, sans discontinuité entre les mondes physique et virtuel, les données s’y rattachant.

32On peut imaginer au moins deux types d’utilisation muséale de ces nouvelles technologies. D’une part, par simple emploi de son téléphone portable, le visiteur d’un musée réel du patrimoine scientifique et technique contemporain, pourra, de manière personnalisée et grâce à l’accès à des informations multimédia, remettre en perspective et en contexte dynamiques, les objets qui lui sont proposés à l’observation. D’autre part et inversement, un utilisateur d’Internet, visionnant de quelque lieu que ce soit, une exposition en ligne, pourra accéder par webcam aux objets réels, tels qu’ils sont, in situ, exposés dans des musées du monde réel.

33Avec l’avènement ensuite de l’Internet sensoriel, cet utilisateur pourra même « toucher » ces vrais objets !

Conclusion

34Il apparaît que pour la sauvegarde d’un patrimoine contemporain dont les acteurs sont le plus souvent vivants, l’apport des TIC est essentiel et incontournable : il permet la réalisation d’œuvres multimédia apportant la dimension humaine à des objets matériels complexes et souvent opaques.

35Par ailleurs, les TIC fournissent aux utilisateurs un accès de plus en plus facile, une interactivité naturelle, des moyens de recherche puissants, l’immersion dans un média mondial entré dans les mœurs, des démarches conformes à l’évolution des pratiques sociales, culturelles et éducatives, une communauté de pratiques. Les TIC offrent aux réalisateurs la facilité d’actualisation et d’édition dans un espace standardisé de communication et de travail coopératif.

36Ces technologies ne sont cependant que le support d’œuvres dont la réussite et l’adéquation dépendent grandement de la qualité des scénaristes et des « acteurs » ainsi que des méthodologies d’essence maïeutique employées au sein d’un partenariat chercheurs/industriels/professionnels du patrimoine/utilisateurs.

37Parmi les difficultés à mentionner, on peut citer les coûts directs et indirects de telles opérations, leur renouvellement périodique indispensable et la complémentarité qu’il faut imaginer et construire avec les musées.

fig.1 - La page d’accueil de ce DVD Rom illustre la complémentarité entre le patrimoine matériel (les objets technoscientifiques documentés) et le patrimoine immatériel (les chercheurs qui ont utilisé ou créé ces objets avec leurs histoires de vies).

fig. 2 - Après une description succincte de son Curriculum Vitae, l’histoire de vie du chercheur a été divisée en 9 étapes (ici, celle qui a mené à la création de l’entreprise Eurofins) : chaque étape est illustrée à droite par quelques explicitations (sous forme textes, vidéos ou animations) de termes utilisés par le chercheur ou par des compléments à l’histoire qu’il raconte. En haut, les objets utilisés par le chercheur peuvent être « appelés » pour une meilleure compréhension du contexte.

fig. 3 - La page d’accueil de cette « histoire de laboratoire » montre un mélange délibéré entre le domaine purement historique (un livre anniversaire illustré par des vidéos, l’inauguration, le créateur du laboratoire Jean Rouxel, la conception architecturale du bâtiment) et les activités de recherche en cours (les piles à combustible, les nanotechnologies, entretiens avec des doctorants) qui constituent pour les visiteurs du laboratoire, notamment les jeunes, une explication et une illustration de la complexité des outils et des résultats de recherche. Dans certains cas (par exemple, le photovoltaïque et les photo batteries), on constate que les résultats d’aujourd’hui sont issus d’une longue histoire (25 ans) de recherche comportant essais et erreurs.

fig. 4 - Dans le cadre de la formation à distance ou de l’auto apprentissage, un module de culture scientifique et technique a été développé en s’appuyant, par des liens, sur le site Patstec et en laissant de larges initiatives aux étudiants qui doivent notamment concevoir et réaliser un chapitre analogue à l’un des 9 mentionnés ci-dessus.

fig. 5 - L’objet, ici l’un des premiers microscopes électroniques à transmission, est décrit dans sa constitution, dans son principe, dans son utilisation et photographié sous différents angles.

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Notes

1  Bernard Deloche, La nouvelle culture, coll. Patrimoine et société, Paris, L’Harmattan, 2007.

2  Catherine Cuenca-Boulat, « Premiers repérages du Patrimoine santé à l’Université de Nantes », La Lettre de l’Ocim, n° 53, 1997, pp. 37-40.

3  Catherine Cuenca, Yves Thomas, Catherine Ballé, éd., Le patrimoine scientifique et technique contemporain ; un programme de sauvegarde en Pays de la Loire, Paris, L’Harmattan, 2005.

4  Robert Halleux, « Des collections en quête d’une destinée », dans Les collections scientifiques des universités, Presses universitaires de Nancy, 2008, pp. 41-47.

5  Daniel Thoulouze « Le patrimoine scientifique et technique contemporain », La Revue, n° 43-44, 2005, pp. 44-56.

6  Catherine Cuenca, « Une mission pour la sauvegarde du patrimoine scientifique et technique contemporain », La Revue, n° 43-44, 2005, pp. 44-56.

7  Bernard Deloche, La nouvelle culture : La mutation des pratiques sociales ordinaires et l’avenir des institutions culturelles, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 206.

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Table des illustrations

Légende fig.1 - La page d’accueil de ce DVD Rom illustre la complémentarité entre le patrimoine matériel (les objets technoscientifiques documentés) et le patrimoine immatériel (les chercheurs qui ont utilisé ou créé ces objets avec leurs histoires de vies).
URL http://dht.revues.org/docannexe/image/171/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 68k
Légende fig. 2 - Après une description succincte de son Curriculum Vitae, l’histoire de vie du chercheur a été divisée en 9 étapes (ici, celle qui a mené à la création de l’entreprise Eurofins) : chaque étape est illustrée à droite par quelques explicitations (sous forme textes, vidéos ou animations) de termes utilisés par le chercheur ou par des compléments à l’histoire qu’il raconte. En haut, les objets utilisés par le chercheur peuvent être « appelés » pour une meilleure compréhension du contexte.
URL http://dht.revues.org/docannexe/image/171/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 68k
Légende fig. 3 - La page d’accueil de cette « histoire de laboratoire » montre un mélange délibéré entre le domaine purement historique (un livre anniversaire illustré par des vidéos, l’inauguration, le créateur du laboratoire Jean Rouxel, la conception architecturale du bâtiment) et les activités de recherche en cours (les piles à combustible, les nanotechnologies, entretiens avec des doctorants) qui constituent pour les visiteurs du laboratoire, notamment les jeunes, une explication et une illustration de la complexité des outils et des résultats de recherche. Dans certains cas (par exemple, le photovoltaïque et les photo batteries), on constate que les résultats d’aujourd’hui sont issus d’une longue histoire (25 ans) de recherche comportant essais et erreurs.
URL http://dht.revues.org/docannexe/image/171/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 64k
Légende fig. 4 - Dans le cadre de la formation à distance ou de l’auto apprentissage, un module de culture scientifique et technique a été développé en s’appuyant, par des liens, sur le site Patstec et en laissant de larges initiatives aux étudiants qui doivent notamment concevoir et réaliser un chapitre analogue à l’un des 9 mentionnés ci-dessus.
URL http://dht.revues.org/docannexe/image/171/img-4.jpg
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Légende fig. 5 - L’objet, ici l’un des premiers microscopes électroniques à transmission, est décrit dans sa constitution, dans son principe, dans son utilisation et photographié sous différents angles.
URL http://dht.revues.org/docannexe/image/171/img-5.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Yves Thomas et Catherine Cuenca, « L’apport des technologies de l‘information et de la communication (TIC) à la sauvegarde du patrimoine scientifique et technique contemporain (PATSTEC) », Documents pour l'histoire des techniques [En ligne], 18 | 2e semestre 2009, mis en ligne le 29 décembre 2010, consulté le 09 juillet 2014. URL : http://dht.revues.org/171

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Auteurs

Yves Thomas

Polytech / Université de Nantes

Catherine Cuenca

Université de Nantes / Musée des arts et métiers

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