Par Francine Clément  | f.clement@cursus.edu

MuseomixMTL : 3 jours pour remixer le musée

Créé le mardi 11 novembre 2014  |  Mise à jour le mercredi 12 novembre 2014

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MuseomixMTL : 3 jours pour remixer le musée Équipe #2 au travail. Crédit photo : Mélanie Cloutier / MuseomixMTL

Cette fin de semaine (7, 8 et 9 novembre) avait lieu la deuxième édition québécoise de Muséomix, un événement international dont l’objectif est de remixer des musées en Europe et au Québec, à l’aide des nouvelles technologies. Museomix est un événement in situ qui rassemble chaque année dans les musées des designers, makers, codeurs, experts de contenus, communicants pour créer en équipe des prototypes numériques de médiation.

Pour comprendre de quelle manière se remixe un musée en trois jours, comment se déroulent les activités de conception et de production des dispositifs numériques qui aideront à la médiation des oeuvres et des objets de collection, nous avons rencontré au Musée des beaux-arts de Montréal Catherine Lafrenière, des communications, Elizabeth Warren, facilitatrice, Justine Chapleau et Josée Duhaime, respectivement coordonnatrice de Museomix Montréal et directrice adjointe au département de l’éducation et de l’action culturelle du Musée des Beaux-arts de Montréal, ainsi que Gabriela Rosas et Sacha Marie Levay, muséomixeuses.

Déroulement

C’est un robot-écran à taille humaine qui nous a fait la surprise de l'accueil à l’entrée des tout nouveaux espaces éducatifs du Musée des beaux-arts de Montréal, où s'est déroulé Museomix. Catherine Lafrenière, bénévole aux communications, explique qu’il sert à observer les muséomixeurs, à distance, dans les différents lieux de remixage du monde à Arles, Derby, Saint-Étienne et Montréal. Le robot se déplace, filme et retransmet en direct des images et des sons des différents Museomix, de part et d’autre des frontières et de l’Atlantique. Les muséomixeurs peuvent ainsi observer à distance le travail effectué par les uns et les autres, dans les différents lieux de l'événement, et communiquer entre eux.

Les quelques 72 participants se sont rencontrés pour la première fois le matin de la première journée (vendredi) dans la grande salle plénière où des séances de brainstorm en petits groupes se sont organisées autour des défis de médiation proposés par l’équipe de Muséomix, par exemple pour utiliser les cinq sens au musée ou pour faire réfléchir sur la question des droits d’auteur et le développement d’affaires au musée. Une douzaine d’idées sont retenues qu'autant d'équipes multidisciplinaires (composées de professionnels du design, des communications, des affaires, de la muséologie, du monde juridique) vont s’efforcer de développer et de concrétiser au cours des trois journées de remixage.

Agiles

Le déroulement emprunte à la méthode AGILE par laquelle on tente d’accélérer le développement d’un projet en en développant d’abord une version minimale -le prototype- qui sera soumise à des tests. Le développement, la conception, la fabrication doivent s’effectuer de manière très rapide. Par exemple, dès la fin du premier après-midi de Museomix, les équipes doivent présenter à l’assemblée les derniers développements du projet. Le musée est ouvert exceptionnellement jusqu’à minuit les deux soirées, afin que les équipes puissent continuer d’avancer. À la troisième et dernière journée de travail, des présentations et des tests de fonctionnement des dispositifs sont effectués par les équipes. Puis, le même jour, les visiteurs arrivent pour faire l’essai des prototypes dans les salles du musée, dont l’entrée est d'ailleurs gratuite à cette occasion.

Dans la semaine qui suit, c’est-à-dire en ce moment au Musée des beaux-arts de Montréal, certains prototypes demeurent dans les salles à l’intention des visiteurs, après vérification que leur sécurité et celle des œuvres ne sont pas compromises par les dispositifs en place. Les dispositifs « autoportants », qui ne nécessitent pas la présence de  personnel supplémentaire pour en expliquer le fonctionnement aux visiteurs, sont privilégiés.

Pour les personnes qui ne peuvent pas se rendre sur place, une ample documentation en ligne est accessible à propos de l’événement de la fin de semaine dernière. On peut notamment consulter les articles sur le blogue de Museomix MTL, rédigés par Valérie Sirard (@valeriesirard), du Musée d’art contemporain de Montréal, le site web international de l’événement, les différents mots-clics de Twitter en lien avec l’événement (#mxouest #museomix #museomixleman #museomixmtl #museomix), Facebook et les vidéos sur Youtube.

Espaces de création

Les muséomixeurs ont accès à un ensemble d’équipement et d’outils pour mener à bien le développement de leur projet. Dans la Bébelle Box, on retrouve par exemple des imprimantes 3D et une découpeuse au laser. Ces équipements ont été prêtés par des entreprises partenaires qui ont également délégué des spécialistes afin d'aider les muséomixeurs à réaliser leur projet avec ces outils.

Dans les salles de travail, au début de la deuxième journée, les équipes semblaient calmes et concentrées autour des grandes tables et des nombreux portables. Un peu à l’écart, dans la dust room, consacrée aux travaux de menuiserie, les architectes, scénographes et techniciens s’affairent au banc de scie, par exemple pour fabriquer les socles où seront placés les dispositifs dans les salles.

Faciliter le travail

Au début du processus de conception, les équipes enthousiastes veulent beaucoup et visent très large, souhaitent tout faire et en faire trop, mentionne en souriant Elizabeth Warren, facilitatrice à Museomix Montréal. Comme la formation des équipes se fait autour d’une idée et que les muséomixeurs décident de se joindre à telle ou telle équipe selon leurs intérêts, il manque parfois une spécialité au sein de celles-ci. La facilitatrice mentionne que quand cela se produit, le développement du projet s'en ressent de manière notable et le développement du projet est ralenti : chaque spécialiste de l'équipe est essentiel.

Le rôle de la facilitatrice est de dynamiser les muséomixeurs, grâce à un encadrement souple, et de les aider à choisir une idée entre toutes, celle qui pourra aboutir à un prototype livrable en deux jours. Le mandat des douze facilitateurs (un par équipe) est aussi de favoriser la progression du travail d’équipe et d'animer les discussions, de rappeler aux coéquipiers l’importance et du fonctionnement technique des prototypes et d’un message fort qui se rendra jusqu’au visiteur à travers le dispositif numérique de médiation, quelle qu’en soit la forme (applications mobiles, projections, etc.).

Muséomixeurs

Nous avons brièvement rencontré les muséomixeuses de l’équipe #2, Gabriela Rosas, experte de contenu en histoire de l’art, et Sacha Marie Levay, spécialiste de la conservation et de la restauration au MBAM, qui expliquent leur travail sur un dispositif autour de la sculpture La nymphe Salmacis. À mi-parcours du développement du projet, on prévoyait réaliser un cartel 2.0, en utilisant des projections de textes et d’images (sur un fond marin, des silhouettes sombres dont les formes s’inspireraient de certaines œuvres de Matisse et de Betty Goodwyn) sur le socle, dans le but de "montrer l'invisible" et d'illustrer les récits cachés de l'oeuvre, par exemple l'amour et le désir sombre et vile du personnage représenté.  Des questions et des citations seraient également apposées, en lettrage vinyle, sur le sol autour de la sculpture, comme  "Que manigance-t-elle ?".

Jeunes reporters : Muséomix à l’école

Lori McKergow (@lmckergow) enseigne l’anglais et les mathématiques à l’école St-Charles de Pierrefonds. Elle participe à Muséomix Montréal avec ses élèves de dernière année du primaire, dans le cadre d’un programme d’immersion en français pour jeunes anglophones montréalais, programme où on utilise le modèle STEAM (Science Technology Engineering Art/Design Math), une approche qui vise à intégrer l’apprentissage de ces matières dans les programmes scolaires. Les jeunes de la classe font des reportages durant les trois jours de Muséomix, à l’aide de leur tablette numérique. Ils réalisent des vidéos, font des photos, tweetent sur #museomixmtl, publient sur Facebook et font des entrevues qui seront publiées également sur le blogue de leur école (réservé aux élèves) et sur sa page Facebook. Le vendredi, quarante jeunes reporters participaient à Muséomix, et de plus petites équipes poursuivaient le travail le samedi et le dimanche, deuxième et troisième journées de l’événement.

Cette expérience unique pour jeunes reporters, organisée conjointement avec le musée dans le cadre de Muséomix, cadre tout à fait dans le mandat du département de l’éducation et de l’action culturelle du musée (DEAC), souligne Josée Duhaime, directrice adjointe aux opérations de ce service porteur de Muséomix au MBAM.

Rôle : organisatrices

Josée Duhaime gère les équipes et organise les activités culturelles, scolaires et familiales, les événements spéciaux du Musée ; elle a été facilitatrice au premier Muséomix québécois, en 2013, au Musée de la civilisation, à Québec. Elle souligne que le directeur du DEAC, Jean-Luc Murray, a été très intéressé par Muséomix 2013 et a un intérêt certain pour l’utilisation des outils numériques en médiation muséale. Il a donc été partant, avec l’aval de la directrice, pour accueillir Muséomix au MBAM, une institution qui, étonnamment, n’a produit qu’un seul dispositif numérique à ce jour, une intéressante application mobile qui montre et explique les liens entre certaines œuvres européennes de la collection et des pièces musicales.

Justine Chapleau, coordonnatrice de Muséomix, souliqne que le musée était le lieu idéal pour l’expérimentation avec les outils technologiques, justement à cause du fait qu’on n’y avait encore très peu eu recours et qu’il y avait un intérêt pour l’intégration de ces nouveaux procédés de médiation dans les salles d’exposition. Il y avait donc place pour l'expériementation et la recherche. Pour Josée Duhaime, c’était l’occasion d’explorer les possibilités des outils numériques, à la puissance 12, de façon très concentrée. Accueillir Muséomix au MBAM signifiait aussi, pour l’institution, d'aller chercher un public plus jeune et de nouvelles clientèles.

Et il y a une pression, souligne Josée Duhaime, en provenance de l’interne comme de l'extérieur du musée, pour utiliser les TIC. Les éducateurs et les guides bénévoles, jeunes et moins jeunes, réclament ces équipements pour les utiliser durant les visites. D’autre part, l’approche privilégiée jusqu’à maintenant au MBAM, pour la visite autonome, est une médiation minimale, sans interférence entre le visiteur et l'oeuvre, à l'aide d'un cartel succinct, une simple étiquette.

Le numérique n’est pas une panacée ni le moyen de médiation ultime, une tablette numérique ne remplacera pas l'expérience et l'expertise d'un spécialiste en présence. Et la délectation peut aussi avoir lieu sans aide virtuelle, ou sans aide tout court. Muséomix est un laboratoire d’innovation, rappelle Justine Chapleau, qui fait partie intégrante de la recherche en cours au musée sur l'éventuelle intégration des outils numériques à l'ensemble des moyens de médiation. 

Muséomix a aussi pour but de démontrer que cette recherche peut être abordable en termes de ressources, financières ou autres (de nombreux commanditaires et partenaires techniques participent par ailleurs à l’événement) et qu’on peut procéder à des expériences de médiation numérique dans le cadre d’un processus simplifié de mise en action et de fabrication. Muséomix permet au musée d'accueil d’expérimenter avec de nouvelles méthodes de travail.

Ça marche ?

Justine Chapleau et Josée Duhaime ont affirmé en cœur que Muséomix, à sa deuxième journée, se déroulait très bien. En effet, l’atmosphère semblait calme et productive, à la mi-journée du jour 2. Selon les organisatrices, il y a un bon équilibre entre, d’une part, la réalité de travail du personnel, les contraintes face aux ressources du musée et, d’autre part, les demandes des muséomixeurs, tous cherchant des solutions. Au musée, ce sont une dizaine de membres du personnel qui ont été mis à contribution pour l’événement de trois jours, à titre de bénévole ou dans le cadre de leur travail. L’électricien a par exemple travaillé en amont de l'événement pour prévoir l’arrivée en masse des muséomixeurs et leurs besoins en branchement et en courant.

L’événement permettra par ailleurs de voir ce qui capte l’attention des visiteurs puisqu’on procédera à une évaluation de leur expérience avec les dispositifs créés durant les trois jours. L’évaluation aura lieu autant le dimanche avec son public conquis d’avance, que dans la semaine suivant l’événement, où on aura affaire au visiteur « ordinaire », parfois moins féru de culture numérique, qu’il faudra peut-être accompagner et guider dans l’utilisation des prototypes. L'évaluation servira à analyser si les dispositifs conçus par les muséomixeurs sont appréciés par le public ou s’ils sont une nuisance pour l’appréciation et la compréhension des œuvres.

À suivre, donc, pour connaître (on le souhaite) les résultats de l’évaluation sur l'utilisation des prototypes par les visiteurs.

Sources 

http://museomixmtl.com/ [consulté le 10 novembre 2014]

http://museomix.org [consulté le 10 novembre 2014]

#museomixmtl

@museomixMTL

École St-Charles : http://stcharles.lbpsb.qc.ca/ [consulté le 10 novembre 2014]

École St-Charles sur Facebook : https://www.facebook.com/pages/St-Charles-School/196724033850084 [consulté le 10 novembre 2014]

Fil twitter de Lori McKergow, École St-Charles : https://twitter.com/MsMcKergow [consulté le 10 novembre 2014]

Art européen (application mobile du Musée des beaux-arts de Montréal) : https://play.google.com/store/apps/details?id=net.kanvasys.insitu.mbam&hl=fr [consulté le 10 novembre 2014]


Sources des images

Équipe #2 à la table de travail et dans la salle d'exposition : Mélanie Cloutier / MuseomixMTL.

Justine Chapleau et Josée Duhaime, Bébelle Box et imprimantes 3D, Dust Room : Francine Clément(CC BY-NC-ND 4.0).

Capture d'écran de la page Facebook de l'école St-Charles.

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